C’est le territoire le plus septentrional de cet immense continent que l’on nomme les Terres d’Ogon. La région de Kamina s’étire en longueur sur le grand océan du nord et finit sa course scarifiée par les éléments sous la forme de quatre terres insulaires et polaires. Les îles et l’extrémité de cette péninsule restent assez mystérieuses, probablement recouvertes par les calottes glaciaires.
Après l’inlandsis en progressant vers le sud, on atteint un lieu qui s’étend sur plus de mille kilomètres, autant en longueur qu’en largeur. Ici, le socle granitique s’est fracturé, poussé par le cruor de Père Volcan, révélant une chaîne de montagnes bouillante et éruptive, n’attendant qu’un signe des dieux pour répandre ses nuées écarlates à la surface d’Aquilon. C’est un endroit effrayant et apaisant à la fois, empreint de mysticisme, où la chaleur du magma côtoie un ciel de glace, où le grondement de la montagne vient briser le silence infini imposé par la nature environnante. Les Kulu ne se sont pas trompés en désignant ces volcans comme le domaine des dieux rouges, ceux d’Yress, que l’on nomme plus communément les Zul Kassaï. Car, que les Zul Kassaï existent réellement ou non, il est clair qu’il y a un petit quelque chose de divin et spirituel qui résonne en ce lieu.
Au volcan succède une large bande marécageuse unique en son genre. Cette gâtine-là n’a rien à voir avec les mangroves et autres grenouillères que l’on peut trouver dans les Terres d’Arran. Ces marécages sont gelés une grande partie de l’année et ils sont très peu boisés. Ils se composent d’une multitude de strates retenant l’humidité, créant un labyrinthe naturel sur plusieurs niveaux. Ce territoire est trompeur car, par endroits, la vue est à couper le souffle, surtout par beau temps, lorsque le ciel azur vient se refléter sur les plates-formes de grès rouge recouvertes de leur manteau de givre. Mais en s’enfonçant dans ce dédale, les pièges innombrables, les courants d’air froid et la brume givrante emplissent ses chemins de gris et de désespoir. Traverser les marécages d’Ossom est une épreuve en soi et décourage plus d’un quidam qui souhaiterait explorer les territoires au nord de la péninsule.
Vient ensuite la forêt de Kalimba, le cœur de Kamina avec ses bois infinis, composée d’arbres aux troncs longs et noueux, aux branches courtes et sinueuses, supportant d’épaisses couvertures neigeuses lors des hivers rigoureux de Kamina. En été, ils se parent d’une multitude de feuilles rondes et vertes, affichant avec éclat leurs sémillants dômes végétaux. Avec le dégel, les cours d’eau deviennent nombreux et richement pourvus, ce qui démarque une fois de plus Kamina d’autres régions des Terres d’Ogon, qui connaissent des sécheresses terribles. D’ailleurs, le climat qui règne dans cette région est unique sur ce continent, et se rapproche sensiblement des conditions que l’on rencontre dans le Nodrënn, voire même, pour le nord de Kamina, de ce que l’on trouve en Borduria ou encore dans la Banquise.
Les frontières terrestres de cette péninsule se situent au sud et à l’est, et sont en grande partie marquées par de grandes chaînes montagneuses qui séparent Kamina du Pumaranga et surtout du Togu, un voisin qui peut parfois se montrer pressant et belliqueux. La tribu la plus répandue de Kamina est celle des Kulu, dont la particularité est de porter des cornes. Plus on s’élève dans cette société, plus les cornes sont grandes et belles. Les Kulu sont très respectueux de leur environnement et de leurs dieux. Ils ont beau être de nature pacifique, ils savent se battre lorsque cela devient nécessaire et qu’ils ont épuisé toutes les autres possibilités. Viennent ensuite les Otton, qu’on surnomme aussi clan des Ours. Kulu et Otton ne font pas bon ménage, mais ils restent les deux principales forces peuplant le territoire. On trouve aussi d’autres tribus humaines de moindre importance, souvent des nomades, et parfois même des Tog de passage, des Ikatoés, voire des Elfes…
Au nord des Terres d’Ogon, dans la région de Kamina, au-delà des forêts neigeuses, après les marécages d’Ossom, se trouve le légendaire volcan Karakenn. En ce lieu, l’ombre de la montagne noire assombrit les terres. La vie semble avoir déserté les environs et le silence est pesant. D’après une ancienne comptine kulu, ce volcan sacré abriterait en son sein la demeure des dieux que l’on nomme Zul Kassaï. Zul Kassaï veut dire « Immortels à la peau rouge ». Ils seraient probablement des Elfes rouges issus des Terres d’Ogon. Ils vivraient depuis des millénaires dans le cratère de Karakenn, où s’élèverait, au-dessus de la lave incandescente, la cité d’Yress à l’architecture sans pareille, mêlant les influences tribales d’Ogon, le savoir des bâtisseurs Elfes rouges et la magie liée aux Incandescents. Des chemins de pierre sans garde-corps surplomberaient le magma en fusion, serpentant entre les hautes tours pour desservir les lieux de vie. Des mères prophétesses composeraient le grand conseil des Incandescents et dirigeraient cette nation. Leur pouvoir serait grand et on dit même qu’une fois tous les cent ans, lors de la cérémonie que l’on appelle « Tiel Kelhaan », le corps de la mère prophétesse la plus âgée serait descendu lentement dans le cœur du volcan pour y être lié à jamais à la lave. Car la lave est le sang incandescent de Karakenn. Ainsi, le sang de la mère prophétesse et celui du volcan seraient unis à jamais, permettant à cette dernière d’être à son tour et désormais la gardienne de Karakenn, celle qui apaise et purifie.
La cité d’Yress serait composée de milliers d’habitations. Des quartiers entiers seraient dédiés à l’artisanat, avec des forges permettant le traitement du métal unique en ce monde qui fut d’ailleurs autrefois convoité par les Nains des Terres d’Arran. Mais aucun enfant d’Yjdad, même un possesseur de sang ancien, ne pourrait jouir de cette patience propre aux immortels et de cette résistance aux températures extrêmes, nécessaires pour forger comme les Zul Kassaï. On dit aussi que des rivières de lave parcourraient la ville et des centaines de fontaines feraient jaillir le magma en fusion à l’intérieur même des habitations.
Mythe ou réalité, une chose de sûre : le légendaire volcan Karakenn abrite un incroyable secret.